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Yonne Altermondialiste
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13 avril 2007

Répartition des revenus...

J’ai révé d’une nuit du 4 août

Régulièrement, nous sommes scandalisés par des salaires ou des indemnités de grands patrons. Régulièrement, ces salaires ou indemnités sont comparés au SMIC : tel salaire ou indemnité représente plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de SMIC.

A partir de ce constat vont s’enchaîner des raisonnements qui semblent imparables :

- Ces centaines ou milliers de SMIC par rapport aux 7 millions de pauvres, ce n’est pratiquement rien. Ce n’est pas avec cela que l’on va améliorer la situation des pauvres,

- donc,« ce n’est pas en prenant aux riches que l’on améliorera le sort des pauvres »,

- donc ce n’est pas en modifiant la répartition des revenus que l’on changera fondamentalement la situation des pauvres,

- donc le problème n’est pas de savoir comment on répartit les revenus (partage du gâteau), mais plutôt de faire en sorte que les revenus soient plus importants (augmentation du gâteau) pour que chacun puisse en tirer un surplus de revenu.

Et voilà, le tour est joué ! Evacué le problème de la répartition des revenus. Le seul problème réel, c’est : comment faire pour que le gâteau à partager soit plus gros ?... une seule réponse : il nous faut encore et toujours plus de croissance.

Tous, nous avons entendu et adhéré plus ou moins à ce raisonnement : du patron au syndicaliste, du marxiste au néolibéral.

Regardons de plus prés, en nous servant de l’étude de l’INSEE sur les revenus des ménages (résultats pour 2004).

Les ménages les plus riches

Les 10 % les plus riches, soit 2 480 000 ménages ont un revenu annuel minimum de 49 500 euros et un revenu moyen de 71 800 euros. Ces 10 % les plus riches perçoivent au total 178 200 millions d’euros c’est-à-dire 24,8 % des revenus perçus par tous les ménages français (718 660 millions d’euros)

Les ménages les plus pauvres

Les 10 % les plus pauvres, soit également 2 480 000 ménages ont un revenu annuel maximum de 11 477 euros et un revenu moyen de 8 684 euros. Ces 10 % les plus pauvres perçoivent au total 21 560 millions d’euros c’est-à-dire 3 % du total des revenus perçus par tous les ménages français, et 8,3 fois moins que les 10 % les plus riches.

Note : pour les plus riches, nous avons arrondi les montants à la centaine d’euros. Par contre, pour les plus pauvres, nous n’avons pas arrondi. Arrondir à la centaine d’euros nous paraît, pour eux, indécent.

Une nuit du 4 août imaginaire

Dans cette nuit imaginaire, les 10 % les plus riches ont décidé, après de longues palabres, de faire cadeau de 10 % de leur revenu aux 10 % les plus pauvres.

Tous les riches conviennent que ça ne changera pas grand-chose à leur train de vie, ni à leur bonheur. Les plus radins auraient souhaité limiter ce don à 5 % ; d’autres, emportés par l’enthousiasme, seraient bien montés jusqu’à 20 % (ce fut le cas en particulier d’un baron, autrefois célèbre au MEDEF, qui s’inspira de l’attitude du duc d’Aiguillon lors de la fameuse et réelle nuit du 4 août ! (- :) joke ).

Ces 10 % de revenu que les plus riches sont prêts a accorder aux plus pauvres représentent, en moyenne, pour chacun d’eux : 7 180 euros c’est-à-dire 10 % de leur revenu moyen de 71 800 euros.

Mais ces 7 180 euros, pour les plus pauvres qui en moyenne touchent 8 684 euros, c’est considérable : c’est une augmentation de 81 %(7 180/8 684). Avec une telle augmentation, tous les plus pauvres repassent au dessus du seuil actuel de pauvreté (9 456 euros par an). C’est formidable !

Alors, ceux qui étaient pour ne céder que 5 % (les radins !) contre-attaquèrent : « 10 % c’est bien trop !, 5 %, ça permet une augmentation moyenne des plus pauvres de 40,5 %. C’est déjà beaucoup et presque trop ».

Pour tenter de l’emporter, ils firent venir leurs experts qui poussèrent des cris d’orfraie : « notre économie ne va plus être compétitive ! », « le coût du travail va être trop cher ! », « avant de redistribuer la richesse nationale, il faudrait plutôt s’occuper le l’augmenter ». Personne ne fut surpris, c’était leur rengaine habituelle, ressassée continuellement et inlassablement depuis des années.

Alors, un homme de bon sens, c’est-à-dire un homme qui n’était ni chercheur, ni enseignant dans un organisme prestigieux, ni autoproclamé expert, donc un homme à l’esprit libre, fit remarquer :

« Ce que nous prenons aux riches, nous le donnons aux pauvres. Nous distribuons donc toujours la même richesse, ni plus ni moins (718 660 millions d’euros). Nous sommes donc toujours aussi compétitifs : le travail ne coûte pas plus cher. Ce que nous prenons aux riches, et qui est peu de chose pour eux, est considérable pour les pauvres auxquels nous le redistribuons. Nous pouvons même penser que notre richesse va augmenter puisque les pauvres vont pouvoir consommer presque 2 fois plus, et probablement des biens de première nécessité, alors que les riches qui vont disposer de 10 % de moins devront se passer un peu du superflu. Est-ce grave ? »

Arrêtons de rêver !

Faut-il vraiment une nuit du 4 août pour obtenir ce petit changement dans la répartition des revenus ? Des politiques courageux et responsables ne pourraient-ils pas le faire ? Des syndicalistes vraiment soucieux de leurs mandants ne pourraient-ils pas l’exiger ?

Mais nos experts, enseignants, politologues, conseillers, etc. s’accrochent :

Oui, mais ces riches que l’on ampute de 10 % de leur revenu ne vont-ils pas vouloir partir à l’étranger ?

Si, probablement, comme après la vraie nuit du 4 août ! Et ça ne changera rien et ça n’a franchement aucune importance. Et oui, il faudra se rendre à l’évidence : ceux qui n’aiment pas la France, ce sont les riches. Ils la quittent déjà ! Surtout, ils n’aiment pas la République ou tout autre régime politique, s’il n’est pas à leur service.

Oui, mais ces riches sont des gens très compétents. Ce sont des cerveaux, des gens performants dont notre économie a besoin qui vont nous quitter.

Compétents ? Performants ? Est-ce sûr ? La compétence, la performance d’une personne s’évalue-t-elle à son goût du gain ? Les plus compétents, les plus performants sont, au contraire, en général altruistes. Il n’y aura aucune difficulté à remplacer ces gens qui partiront. Alors, que ceux qui veulent et qui voudront partir partent. Il faut, il faudra même les encourager : ça fera des places libres et ça contribuera à la résorption du chômage.

Conclusion

Ne laissons pas, ne laissons plus dire, que ce soit par la droite ou par la gauche, que l’amélioration du revenu de chacun ne dépend que de la croissance, et pas de la façon dont les revenus sont distribués et partagés.

Ayons en tête que 10 % de revenu en moins pour les riches c’est 80 % de revenu en plus pour les pauvres !

Michel Fenayon

Ce texte n’engage que son auteur, il n’engage pas Attac ni le réseau Avenir d’Attac.

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