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Yonne Altermondialiste
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16 septembre 2011

Une autre banque est possible

Vers des banques coopératives d'intérêt collectif


L'effondrement de la valeur boursière des banques françaises et européennes ouvre une deuxième crise bancaire majeure après celle de 2007-2008. L'intervention prochaine des États et de la Banque centrale européenne pour sauver les banques apparaît inéluctable. Mais cette fois-ci, les citoyens n'accepteront pas de payer la facture sans rien changer au fonctionnement du système bancaire. La monnaie est un bien commun et ne peut être laissée dans les mains d'actionnaires privés. Il faut socialiser le système bancaire. Attac propose la transformation des établissements sous perfusion en banques coopératives d'intérêt collectif.

Une crise prévisible

La crise de 2007-2008 avait été provoquée par les dérives d'une finance irresponsable et d'un modèle économique et social inégalitaire et prédateur. Le sauvetage des banques et surtout la récession ont déstabilisé les finances publiques. L'actuelle « crise de la dette » en Europe n'est rien d'autre que la réplique de ce premier séisme sur le château de cartes des traités européens. Car ceux-ci avaient créé une monnaie unique entre des pays hétérogènes sans budget commun, sans politique de convergence sociale et sans protection contre la spéculation financière mondiale. Le choc de 2008 a ébranlé la zone euro, et les premiers maillons faibles – Grèce, Irlande, Portugal... - sont en train de céder. Les irresponsables politiques européens n'ont rien vu venir de ce qui était pourtant annoncé depuis longtemps par nous et bien d'autres. Ils continuent à courir de sommet en réunion d'urgence comme des rats affolés dans une cage soumis par la finance à des chocs électriques auxquels il ne comprennent rien. Leur tentative désespérée d'imposer une hyper-austérité destructrice sous prétexte de réduire la dette publique ne peut déboucher que sur une catastrophe.

Réinventer les banques

L'Union européenne prétend maintenant adopter la taxe Tobin que nous proposons depuis plus de 10 ans. C'est très bien, mais c'est trop peu, trop tard ! Il faut bien sûr prendre des mesures drastiques contre la spéculation et repenser la construction européenne ; mais on ne peut plus éviter de repenser complètement les finalités mêmes et les modes de gouvernement des banques. Leur rôle doit être de financer l’économie, pas de construire des châteaux de cartes pour les investisseurs financiers et des machines à cash pour leurs actionnaires. Le cours des actions des banques européennes est en train de tomber à un niveau où il va devenir possible pour les États d’acheter l’essentiel à bon compte. Il faut saisir cette occasion pour entreprendre de socialiser non pas les pertes mais le système bancaire lui-même. Socialiser, ce n’est pas nationaliser pour redresser et revendre. Ce n’est pas non plus étatiser pour s’en remettre à une gestion technocratique, parfois pire que la gestion privée. Socialiser, c'est placer les banques sous le contrôle de la société, pour qu'elles financent des activités utiles socialement et écologiquement, choisies démocratiquement, créatrices d’emplois, de revenus, de cohésion sociale.

Pour des banques coopératives d'intérêt collectif

Nous proposons de sauver les banques à la condition qu'elles soient transformées en banques coopératives d’intérêt collectif. SCIC (société coopérative d'intérêt collectif) en France, « entreprise sociale » dans d'autres pays, on pourrait créer un tel statut au niveau de l’Union. Dans ces banques – de portée régionale, nationale ou européenne - les pouvoirs publics (Régions, États ou autorités publiques européennes) auraient la majorité des voix au Conseil de surveillance ; mais seraient aussi représentés, dotés de minorités de blocage, les salariés du système bancaire (via des représentants élus), les PME, les collectivités locales (pour tenir compte de la diversité territoriale) et la société civile, en particulier les syndicats, les usagers et les associations écologistes. Ces banques ne spéculeraient pas sur les marchés et n'auraient pas de liens avec les paradis fiscaux. L'équilibre des pouvoirs y garantirait une gestion conforme aux intérêts de la société. Dans le cadre de politiques macroéconomiques durables, définies par les pouvoirs publics élus aux plans national et européen, ces coopératives bancaires pourraient pratiquer des taux d’intérêt modulés en fonction de l’utilité sociale et écologique des projets. Une Banque centrale européenne profondément réformée aurait pour tâche de surveiller ce système, d’en assurer l’équilibre de façon à prioriser l’emploi, la cohésion sociale, la préservation de l’environnement, tout en contenant les dérapages inflationnistes.

Alors que la France et l’Europe, vont probablement être touchées dans les mois et années à venir par une nouvelle hausse du chômage, il y a urgence à développer des investissements massifs, publics et privés, dans des programmes coordonnés d’innovation et de développement concernant les économies d’énergie (en particulier dans le bâtiment et les transports), les énergies renouvelables, l’agriculture paysanne et biologique, les services publics et de proximité...

La création d’un secteur bancaire socialisé et démocratisé est seule de nature à réorienter l’économie européenne vers un sentier de développement durable. Alors que les propriétaires du capital et leurs représentants politiques tentent de faire payer leurs dettes et leur crise aux citoyens européens, ceux-ci doivent imposer que la démocratie prenne les commandes. Attac portera cette exigence le 15 octobre prochain dans une journée d'action européenne à l'appel des Indignés espagnols, notamment par des rassemblements unitaires et des actions symboliques et ludiques devant les agences bancaires partout en France. Au contre-G20 qui se tiendra à Nice du 1er au 3 novembre, nous tiendrons le Tribunal de la finance, qui jugera les banques prédatrices actuelles et permettra d'entrevoir le système bancaire de demain.

Attac France,
Paris, le 14 septembre 2011

 

 

 

 

 

Point de vue | LEMONDE.FR | 12.09.11

SORTIR DU PIÈGE DE LA DETTE

par Pierre KHALFA, co-président de la fondation Copernic



Le gouvernement vient d’annoncer un plan d’austérité basé sur plus de 10 milliards d’économies. Il prolonge les mesures déjà engagées comme par exemple le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Que ce plan soit fortement inéquitable n’est pas pour surprendre de la part d’un gouvernement qui a fait de la protection des riches sa boussole principale. Au-delà de son caractère socialement inacceptable, cette orientation, mise en œuvre par tous les pays européens, est économiquement stupide. Dans une Europe économiquement intégrée, dans laquelle les clients des uns sont les fournisseurs des autres, l’austérité généralisée est porteuse d’une logique récessive qui est déjà en route et qui touchera tous les pays. Une spirale absurde est en train de se mettre en place : pour réduire les déficits, les gouvernements mettent en œuvre des plans d’austérité drastique, ceux-ci vitrifient l’activité économique, ce qui réduit les recettes fiscales… et accroît les déficits, justifiant ainsi de nouveaux tours de vis qui aggraveront encore la situation.

Sortir de ce piège suppose d’abord de traiter la question de la dette. La crise financière et la récession qui a suivi ont évidemment joué leur rôle dans l’accroissement des déficits (perte de recettes fiscales, dépenses supplémentaires avec les plans de relance et le sauvetage des banques). Ainsi, le déficit public de la France est passé entre 2007 et 2009 de 2,7% à 7,5% du PIB et sa dette publique de 63,8% à 77,6% du PIB. Il s’agit donc de savoir si la petite minorité de dominants qui, par son avidité, a été responsable de la crise va en faire les frais ou si le coût de la crise va être supporté par la grande majorité de la population. Le choix des plans d’austérité montre que les gouvernements ont choisi la seconde solution.

Cependant, la dette ne date pas de la crise financière. Avant celle-ci, son accroissement est dû essentiellement aux cadeaux fiscaux fait aux ménages les plus riches et aux entreprises, notamment les plus grandes. Le rapport d’information, que le député UMP Gilles Carrez a établi en juillet 2010 dans le cadre du débat d’orientation budgétaire, donne des éléments qui permettent d’évaluer l’impact de "dix années de pertes de recettes non compensées". On a ainsi pu calculer, qu’en l’absence des cadeaux fiscaux, le déficit budgétaire n’aurait été que en de 3,3% en 2009 au lieu de 7,5%, la France connaissant même, dans ce cadre, un léger excédent budgétaire en 2006, 2007 et 2008. Paul Champsaur et Jean-Philippe Cotis dans le Rapport sur la situation des finances publiques d’avril 2010 font une analyse similaire : "En l’absence de baisses de prélèvements, la dette publique serait environ 20 points de PIB plus faible aujourd’hui qu’elle ne l’est en réalité, générant ainsi une économie annuelle de charges d’intérêts de 0,5 point de PIB."

Une logique imparable s’est donc mise progressivement en place. Les ménages les plus riches bénéficient d’allègements fiscaux conséquents que ce soit en matière d’impôt sur le revenu, d’une imposition moindre de leur patrimoine et des revenus de ce dernier. Ils dégagent ainsi des liquidités qu’ils peuvent prêter à l’État qui en a justement besoin à cause de ces allègements fiscaux et qui leur verse une rétribution pour cela. Ils touchent un double "dividende" : moins d’impôt et plus de rente. La dette est donc fondamentalement inacceptable car elle représente un transfert financier de la grande masse de la population vers les plus riches. C’est la grande masse des contribuables qui, à travers la fiscalité, paye la charge de la dette et c’est elle qui en subit les conséquences avec la réduction des dépenses publiques.

L’accroissement de la dette publique repose sur le fait que les États sont obligés d’emprunter sur les marchés financiers. Mais pourquoi donc doivent-ils s’endetter sur les marchés financiers ? En France, une réforme de la Banque de France a été votée en 1973 sous l’impulsion de Valéry Giscard d’Estaing, ministre des finances de Georges Pompidou. Cette réforme a interdit au Trésor public d’emprunter directement à la Banque de France à des taux d’intérêt nuls ou très faibles. La Banque de France ne peut donc plus financer par de la création monétaire les déficits publics. Le gouvernement français a été dès lors obligé de faire appel aux marchés financiers, c’est-à-dire à des banques privées, et ce à des taux d’intérêt relativement élevés. Cette disposition a été reprise intégralement dans les traités européens qui interdisent à Banque centrale européenne (BCE) de financer les États membres. Nous sommes donc dans une situation hallucinante dans laquelle les banques privées se refinancent à un taux dérisoire auprès de la BCE et prêtent aux États à des taux nettement supérieurs voire carrément usuraires. Les États et l’Union européenne se sont ainsi mis volontairement sous l’emprise des marchés financiers.

La dette est donc triplement illégitime : elle est le produit des cadeaux fiscaux fait aux dominants, de la crise financière dont ils sont responsables et du recours aux marchés financiers auxquels ils participent. Sortir de la situation actuelle suppose d’abord d’annuler au moins partiellement les dettes publiques en Europe, un audit citoyen de la dette publique devant déterminer la fraction de la dette à annuler et les acteurs concernés par cette annulation. Il faut ensuite une autre politique monétaire. En particulier la BCE et les banques centrales nationales doivent pouvoir, sous contrôle démocratique, financer les États et les politiques publiques européennes afin de sortir de l’emprise des marchés financiers. Il faut enfin une réforme fiscale d’ampleur qui redonne des marges de manœuvres à l’action publique. Il s’agit fondamentalement de repenser radicalement la construction européenne en mettant fin à des politiques d’austérité injustes et inefficaces et en mettant en œuvre des politiques économiques et sociales au service des populations. S’il ne veut pas retomber dans les ornières qui ont amené la droite au pouvoir, ce sont de telles orientations qu’un futur gouvernement de gauche devrait commencer à mettre en œuvre en France et qu’il devrait porter au niveau européen. Mais une telle rupture ne pourra s’effectuer que si les peuples s’en mêlent et imposent par leurs mobilisations ces réponses nouvelles à la crise.

Pierre KHALFA est aussi représentant de l’Union syndicale Solidaires au Conseil économique, social et environnemental, coauteur du livre Attac, Le piège de la dette, Éditions Les liens qui libèrent.

 

 

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Commentaires
A
Le chemin est encore long pour sortir de cette crise, mais les résultats récents de la BCE laissent espérer quelques améliorations. Bien sûr, je pense qu'il ne faut pas s'extasier trop vite, et d'abord se concentrer sur un examen pour évaluer la bonne santé du système bancaire dans son ensemble!
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