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16 novembre 2007

Traité modificatif européen :

Traité modificatif européen : introduction au débat Groupe Construction européenne d'Attac Rhône 13 novembre 2007 1. Historique Après le rejet par référendum du Traité établissant une Constitution pour l'Europe par les électeurs français le 29 mai et hollandais le 1er juin 2005, respectivement par 54,7 et 61,5% des voix et avec plus de deux électeurs sur trois qui ont voté (respectivement 69,4 et 63,3%), une longue période s’est écoulée sans que les gouvernements européens ne proposent quoi que ce soit. Élaboration financée par une multinationale Un groupe privé de 16 hommes politiques, presque tous actuels ou anciens ministres ou commissaires européens, piloté par le ministre de l'intérieur italien Giuliano Amato, s'est tout d'abord réuni du 30 septembre 2006 au 4 juin 2007 pour préparer un nouveau traité. Il représentait équitablement la droite et la gauche européennes, mais ne comportait que des partisans du défunt traité constitutionnel. 3 Français en faisaient partie : M. Barnier, ancien commissaire et ministre de l'agriculture, D. Strauss-Kahn, ancien ministre de l'économie et futur directeur général du FMI, et l'économiste S. Colignon. Ce groupe, intitulé Comité d'action pour la démocratie européenne ou ACED en anglais, était financé par la multinationale Robert Bosch (le plus gros équipementier automobile mondial) et a reçu le support technique et scientifique de l'Institut universitaire européen financé par l'Union européenne, qui héberge en outre son site web. Projet bouclé loin des citoyens Finalement un traité modificatif a été élaboré dans le secret d'une conférence intergouvernementale à partir de fin juin 2007, en s'inspirant du projet de l'ACED, puis adopté par les chefs d'États et de gouvernement le 18 octobre 2007. Le traité devrait être signé par les 27 états membres le 13 décembre prochain dans la capitale portugaise. Le texte conclu sera ensuite soumis à la ratification des membres de l'Union européenne, un processus qui devrait être conclu avant les élections européennes de juin 2009. En France, le président de la république a prévu de faire ratifier ce traité par les députés et ce avant la fin de l'année. Ce vote ne semble cependant pas techniquement envisageable avant le printemps 2008 en raison des délais d'examen par le Conseil constitutionnel puis par le parlement, des vacances parlementaires, et de l'agenda déjà surchargé du parlement : la ratification pourrait ne se faire qu'en mai 2008. Illisible Le traité modificatif compte 145 pages et 296 modifications. 36 protocoles, 26 déclarations et des annexes s’y ajoutent, qui tous ont la même valeur juridique que les traités et en font partie intégrante. Le traité se présente comme un catalogue d'amendements aux deux traités en vigueur qui fondent l'Union européenne : - le traité sur l’Union européenne, qui est le traité de Maastricht modifié par ceux d’Amsterdam et de Nice, - le traité instituant la Communauté européenne, qui est le traité de Rome modifié par les traités successifs depuis 1957. Le traité modificatif est illisible pour les citoyens, qui doivent constamment se reporter aux textes des traités de Rome et de Maastricht, auxquels s'appliquent ces amendements. Il n’existe à l’heure actuelle aucun document officiel qui présente clairement les traités antérieurs une fois modifiés par le traité modificatif. Les traités de Rome et de Maastricht (modifiés par les traités successifs ratifiés) avaient été modifiés et surtout fondus en un seul texte, le défunt traité constitutionnel européen ou TCE. Le traité modificatif modifie lui aussi les deux traités en vigueur, mais les garde disjoints, en les renommant respectivement "Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne" (TFUE) et "traité sur l’Union européenne" (TUE). Une fois intégrées les modifications prévues, les deux traités comptent à eux deux 410 articles (respectivement 56 et 354), soit 146 pages ou environ 62 000 mots. Si l’on y ajoute les 54 articles de la charte, on arrive à un texte au moins aussi long que le projet de TCE rejeté en 2005 qui ne faisait que 448 articles. 2. Les modifications apportées au TCE L’analyse article par article des projets de traités modifiés montre que le traité modificatif transfère dans les traités actuels la quasi totalité du défunt traité constitutionnel de 2005. Les seules modifications de fond par rapport au TCE concernent : - Le mot "Constitution" et l'adjectif "constitutionnel" sont bannis du texte. Si formellement les projets de traités sont bien des traités entre nations, le droit communautaire, et au premier titre les traités, a primauté sur le droit national, même constitutionnel. Le statut des traités leur confère donc bien la toute puissance d'une constitution : de ces textes dépend la possibilité pour les citoyens d’exercer ou non leur souveraineté. Quelle que soit leur étiquette, ces traités, par les institutions et les pouvoirs qu’ils mettent ou ne mettent pas en place, forment une constitution par nature. Que le terme de « Constitution » n’apparaisse pas, contrairement au cas du traité constitutionnel, ne change rien à l’affaire. - Le drapeau, l'hymne, la journée et la devise de l'Europe ne sont plus mentionnés, mais les trois premiers ont été adoptés par les Communautés européennes en 1985. L'euro n’est plus la monnaie de l'Union, mais seulement celle de l’Union économique et monétaire. - Le 'ministre des affaires étrangères' redevient le 'haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité', ce qui ne change rien. - Dans les domaines qui ne relèvent pas de la compétence exclusive de l'Union, les parlements nationaux peuvent s'élever contre un projet d’acte législatif européen s'ils estiment qu'il ne respecte pas le principe de subsidiarité. Si une majorité des parlements nationaux et 55 % du Conseil (ou la majorité du Parlement européen) sont contre, le projet est retiré. - Le parlement européen compte un député de plus, attribué à l'Italie. Mais le poids politique des citoyens européens reste scandaleusement inégalitaire : un citoyen luxembourgeois pèse par exemple environ dix fois plus qu'un citoyen français. Ce vote inégalitaire peut amener une majorité parlementaire et à sa suite un président de la Commission européenne à être d’une opinion contraire à l’opinion majoritaire parmi les Européens. - Les dénominations classiques et compréhensibles par tous "loi-cadre" et "loi" sont abandonnées au profit de "directive" et "règlement", qui sont malgré leur nom des actes législatifs. - La presse a fait grand cas de la disparition de la "concurrence libre et non faussée" des objectifs de l’Union, par comparaison à l’article correspondant du projet de 2005 : on reviendrait ainsi à la formulation des traités actuels, qui laissent la concurrence à son rôle de moyen, certes prépondérant mais discutable par rapport aux objectifs. Cependant, le protocole 6, qui est un texte de portée équivalente aux traités, indique en se référant à ce même article : "le marché intérieur tel qu’il est défini à l’article 3 du traité sur l’Union européenne comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée". C’est ainsi que la concurrence non faussée se trouve réintroduite dans les objectifs de l’Union d’où elle semblait avoir disparu. - Le traité modificatif intègre par le biais d'un article la Charte des droits fondamentaux, mais après l’avoir modifiée sans que l’on sache en quoi : en effet il est énoncé que "L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux du 7 décembre 2000, telle qu'adaptée le [... 2007], laquelle a la même valeur juridique que les traités". Le traité fait donc référence à des modifications non encore définies... - Les titres des articles repris des 72 articles des parties I et IV du traité constitutionnel ont été éliminés, rendant le texte un peu plus obscur. Ces modifications ne sont donc, comme le dit Valéry Giscard d'Estaing que "des changements cosmétiques à la Constitution pour qu'elle soit plus facile à avaler". Sur le fond, sur les institutions de l'Union, sur le partage des compétences entre l'Union et les États membres, sur la ligne politique, militaire, agricole, économique, monétaire, nous avons une simple copie de défunt traité constitutionnel. La partie I du TCE, qui présentait les valeurs et objectifs de l'Union ainsi que l'architecture institutionnelle est là ; la partie II reprenant la Charte des droits fondamentaux est reprise ; la partie III sur les politiques et le fonctionnement de l’Union est là, ainsi que la partie IV fixant entre autres les possibilités d’adhésion et de retrait des États membres. Le traité n'est en rien 'simplifié' ; il est même légèrement plus long et surtout nettement plus complexe que le défunt Traité établissant une Constitution pour l'Europe. 3. Les avancées par rapport aux traités actuels Un véritable gouvernement européen La Commission européenne devient un véritable gouvernement européen, assez responsable politiquement. Le Parlement élit pour 5 ans le président de la Commission, mais seulement sur proposition du Conseil européen (les chefs d'État), qui tient compte des résultats des élections au Parlement européen. Les commissaires ne sont cependant pas choisis pour correspondre à la majorité parlementaire, mais "sont choisis en raison de leur compétence générale et de leur engagement européen et parmi des personnalités offrant toutes garanties d’indépendance". La Commission européenne est composée dans un premier temps d'un commissaire par État membre dont le mandat est de cinq ans. Chaque commissaire est proposé par son État, avec lequel il a donc une relation intime. Puis, à partir de novembre 2014, la Commission ne comprend plus que des représentants des deux tiers des États membres, les États membres étant traités sur un strict pied d'égalité Le Parlement peut censurer et démettre l'ensemble de la Commission, mais seulement à la majorité des deux tiers. Un président du Conseil européen élu pour deux ans et demi Le Conseil européen élit son président à la majorité qualifié de 72 % et pour un mandat de deux ans et demi, renouvelable une fois seulement. Le Conseil siège en public lorsqu'il délibère et vote sur un projet d’acte législatif. Les présidents du Conseil et de la Commission ne peuvent avoir d'autres mandats. Une extension de la codécision entre Conseil et Parlement Le nombre de domaines en codécision, c’est-à-dire où les actes législatifs (règlement, directive ou décision) sont adoptés selon la "procédure législative ordinaire" conjointement par le Parlement européen et le Conseil sur proposition de la Commission, passe de 40 à 69 sur un total de 90, en intégrant notamment les politiques de coopération policière et judiciaire. Voici donc les domaines ou les parties de domaine les plus importants où le Parlement n’est pas co-décideur : - la politique étrangère et de sécurité, le marché intérieur, les tarifs douaniers, une partie de la politique agricole, où le Conseil décide seul, - la fiscalité, la politique sociale pour partie, selon la procédure législative dite spéciale, c’est-à-dire par le Conseil après simple consultation du Parlement européen, et à l’unanimité, - la politique monétaire, par la seule Banque centrale européenne. Une extension de la majorité qualifiée au Conseil au détriment de l'unanimité Le champ des décisions où le Conseil statue à la majorité qualifiée s’étend au détriment des domaines où il statue à l’unanimité : la majorité qualifiée s'appliquerait à environ 120 (au lieu d'une centaine actuellement) des 177 domaines. A partir de 2014, la majorité qualifiée est de 55 % des membres (soit 15 sur 27) et 65 % de la population européenne lorsque le Conseil statue sur proposition de la Commission, et de 72 % des membres (20 sur 27) et 65 % de la population dans les autres cas. Mais il est prévu que trois États membres ne peuvent bloquer à eux seuls une décision. Ainsi, l'Allemagne, la France et l'Italie ne pourraient ensemble bloquer un projet, bien qu'ils réunissent plus de 35 % de la population et ne permettent pas ainsi à l'autre opinion de rassembler la majorité de 65 % de la population. Par rapport à la situation actuelle, ces nouveaux critères facilitent les accords dans le premier cas, mais les rendent plus difficiles hors proposition de la Commission. Ils renforcent donc le pouvoir de la Commission. La limite entre ces trois modes de décision est incroyablement complexe. Des domaines essentiels sont toujours traités à l’unanimité comme la révision des traités, la fiscalité et les ressources de l’Union, la plupart des aspects sociaux, une partie des aspects environnementaux, la culture, la politique étrangère et la défense. 4. Les reculs par rapport aux traités actuels Le marché est passé d'un moyen (prépondérant mais discutable / objectifs) à un objectif de l'Union, par le biais d'un protocole (cf. plus haut). 5. La démocratie oubliée Un Parlement européen faible et non démocratiquement élu Les députés européens que nous élirons n'auront pas le droit - de proposer des lois, - de voter les recettes de l’Union, ni les impôts, - de regard sur des pans entiers de la politique européenne. Ils ne pourront renverser le gouvernement européen (la Commission) qui mènerait une politique inadmissible qu'à la majorité des deux tiers. Ils ne peuvent proposer de loi. Ces députés ne représenteront pas également tous les citoyens européens, et de loin. Par exemple la Belgique, le Portugal, la République tchèque, la Grèce, qui comptent tous entre 10 et 11 millions d'habitants éliront 24 députés, mais les grandes régions françaises du Sud-Est ou de l'Île-de-France qui ont la même population en éliront près de deux fois moins. Un citoyen de Malte pèse politiquement environ douze fois plus qu'un citoyen français. Certains citoyens sont décidément « plus égaux que d'autres » ! Ni séparation, ni contrôle des Pouvoirs Il n'y a pas de séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire : la Commission européenne mêle des pouvoirs législatifs (initiative des lois), exécutifs, et judiciaires (surveillance de l’application des lois). Le Conseil est le seul organe qui vote toutes les lois (hors politique monétaire dépendant de la seule Banque centrale européenne), car le Parlement est exclu de 21 domaines parmi les plus importants sur 90. Or le Conseil n’est pas élu par les citoyens européens. Les projets de traités laissent en outre perdurer l'extravagante dépendance des juges européens envers les exécutifs qui les nomment. La Commission, un gouvernement européen sans contrôle démocratique C’est donc l’instauration d’un système anti-démocratique, puisque ce “gouvernement” assemble des membres qui ne sont pas choisis sur une base politique, qu’il est le représentant des exécutifs nationaux, et n'est que peu responsable devant le Parlement. Des traités illisibles et fondamentalement non révisables Nous avons vu que le traité modificatif et les traités modifiés sont illisibles par les citoyens, et même par la plus grande partie des hommes politiques. Il est pratiquement exclu que les traités, une fois ratifiés, soient révisés fondamentalement, soit pour donner priorité aux aspects sociaux ou environnementaux, soit pour permettre la construction d'une Europe politique : les mécanismes de révision laissent entièrement la main aux gouvernements. Or, ces textes étant de nature constitutionnelle dans la mesure où ils définissent la manière dont les citoyens délèguent leur souveraineté fondamentale en démocratie et donc comment les décisions politiques seront collectivement décidées, il doivent être révisables par les citoyens et par eux seuls. Une Constitution de fait pour un régime non constitutionnel Mais en même temps, l’Union européenne est un instrument (inter)gouvernemental, doté d’une “mission” – la création et la gestion d’un marché – non liée à des lois et aux droits fondamentaux de l’individu. Or un régime constitutionnel repose sur deux conditions, qu’il doit vérifier dans les faits : la garantie des droits fondamentaux, la séparation des pouvoirs. Ce sont les conditions de la viabilité d’un régime à la fois légitime et défini : hors de ces limites, l’état de droit se perd, l’effectivité des Pouvoirs légitimes et le périmètre des pouvoirs réels deviennent incernables. L’Union reste un instrument qui permet aux exécutifs de s’émanciper des Parlements. 6. La démocratie bafouée Ce que le peuple a décidé ne peut être défait que par lui-même. Cependant les électeurs français et néerlandais ont très clairement refusé ce projet en se prononçant par référendum contre le projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE). Si l'on prétend que les électeurs ont pu changer d'avis en deux ans, il faut leur redonner la main, et demander aux électeurs de ratifier ou rejeter ce projet de modification des traités par référendum. Car en démocratie, les citoyens sont fondamentalement souverains : ce qu'ils ont directement décidé ne peut être modifié que par eux-mêmes, directement, et non par leurs représentants. Ce que le peuple a décidé ne peut être défait que par lui-même. Les dirigeants européens et en particuliers les dirigeants français tentent de faire rentrer par la fenêtre le projet que nous avons chassé par la porte, en prétendant qu’il s’agit de tout autre chose. Quelle hypocrisie ! Quel mépris des citoyens ! Un véritable viol politique qui relève de la forfaiture, un déni de l’expression du suffrage universel. Comment croire que l’Europe puisse avoir la moindre légitimité si les Européens n’ont pas droit à la parole quant aux politiques qui vont conditionner leur vie pour l’avenir et quant aux institutions qui leur permettent ou leur interdisent d’exercer leur souveraineté fondamentale ? L’élection présidentielle ne donne pas tous les pouvoirs Certains rétorquent que l’élection du président de la République française en 2007 vaut accord des électeurs avec la ratification du traité par le parlement, puisque tel était le projet du candidat. Un tel raisonnement signifie en toute logique que l’élection d’un président lui permettrait de modifier la Constitution, de ratifier tout traité, voire même de légiférer sans s’assurer de l’accord explicite des électeurs ou de leurs représentants, dans la mesure où ces décisions étaient dans le programme du candidat. Hors élire ne signifie pas donner les pleins pouvoirs… Le candidat proposait d’abandonner l’idée de Constitution et d’adopter un "mini traité", reprenant les principales innovations de la partie I du projet de traité constitutionnel, notamment : la présidence stable de l’Union, la création d’un poste de ministre européen des Affaires étrangères et l’extension du vote à la majorité qualifiée au Conseil. On a vu que le traité modificatif n’est en rien simplifié ou un mini traité en comparaison du Traité constitutionnel. . Enfin, que 53% des votes exprimés soient allés à N. Sarkozy au second tour signifie qu’une majorité d’électeurs l’ont préféré à l’autre candidat. Mais il faut rappeler que tous les candidats du premier tour s'étaient prononcés pour un nouveau référendum en cas de nouveau traité européen, à l'exception notable de N. Sarkozy. Et celui-ci n’avait alors recueilli que 31% des voix, soit 26 % des inscrits. A comparer aux 55% qu’avait recuilli le « non » au TCE en 2005, soit 37% des inscrits. Anti-démocratique tu étais, anti-démocratique tu es, anti-démocratique tu seras La méthode suivie pour élaborer puis ratifier ce projet est dans la droite ligne du déni de démocratie que constituent les règles de fonctionnement de l'Union : mise au point d'un premier projet par un groupe privé financé par une multinationale, rédaction du projet initial en quelques semaines, négociation secrète entre États, absence de transparence sur le contenu des enjeux, refus du débat public, illisibilité du projet, enfin refus de la décision souveraine des électeurs. Le double « non » français et néerlandais au TCE était, en autres choses, un refus de la méthode avec laquelle l’Europe avait été construite. On aurait pu croire que, suite à l’épisode du Traité constitutionnel européen, les gouvernements allaient au moins ne plus reproduire ce type de comportement. C’est le contraire qui a lieu et nous assistons à la manifestation d’une volonté d’exclure les citoyens européens de tout débat sur l’avenir de l’Union, d'exclure les citoyens de la mise au point des choix politiques au sein de l'Union. Poursuivre la construction européenne sur d'autres bases Il est nécessaire aujourd'hui de poursuivre la construction européenne sur d'autres bases, à définir par les citoyens eux-mêmes. Une réorientation fondamentale en faveur de l'Europe des citoyens est indispensable. Quel que soit le point de vue que l’on puisse avoir sur le contenu de ce traité, les citoyens et citoyennes doivent pouvoir en débattre et se déterminer par référendum. C’est une exigence démocratique minimale. 7. La ligne politique du traité modificatif Politique de défense Le projet de traité fait allégeance à l'OTAN et engage les États membres à augmenter leurs budgets de défense. Politique agricole Il définit l'augmentation de la productivité de l'agriculture comme le premier but de la politique agricole commune, mais ne retient par exemple ni le maintien de l'emploi agricole, ni le respect de l'environnement comme des buts. Concurrence libre et non faussée Le thème de l'économie de marché, ouverte, où "la concurrence est libre et non faussée" infuse tout le projet et est répété à satiété. À cette aune, toute aide publique accordée à un secteur économique, tout service public, tout code du travail même, est une entrave à la "libre concurrence". Des droits fondamentaux au rabais Enfin les droits fondamentaux sont des droits au rabais, qui ne reconnaissent ni le droit au travail, ni le droit à un revenu minimum ou aux allocations chômage, ni le droit à un logement décent, ni le droit à l'accès égal pour tous à la santé ou à l’éducation. Ils ne s'adressent pas aux citoyens mais aux institutions de l'Union et des États quand ils "mettent en oeuvre" le droit de l'Union ; ces droits ne créent "aucune compétence et aucune tâche nouvelle pour l'Union" ; ils restent subordonnés aux autres dispositions du projet, caractérisées, elles, par "la concurrence libre et non faussée". Ces droits "fondamentaux" ne le sont donc guère. 8. Ce que disent les Européens Ce que disent les médias Alors que nos médias sont habituellement si friants de sondages, aucun n’est venu sonder l’opinion des Français quant au traité modificatif ou son mode de ratification. Il est vrai que la quasi-totalité des médias et des éditorialistes se réjouissent, avec plus ou moins d’enthousiasme, de voir confirmer l’essentiel du Traité rejeté par référendum. Le nouveau traité permettrait d’après eux de sortir de l’impasse dans laquel elle serait bloquée depuis les « non » des Français et des Néerlandais. Or prétendre que l’Union ne fonctionne plus depuis ces « non » est un pieux mensonge : chiffres à l’appui, l’Observatoire des institutions européennes, créé par le Centre d’études européennes de Sciences Po, montre que l’Union continue à décider, et même plus rapidement qu’avant l’élargissement de mai 2004 à 10 nouveaux pays. Ces mêmes médias, qui avaient monopolisé la campagne de 2005, se réjouissent aujourd’hui du recours à une procédure parlementaire de ratification. Libération par exemple estime que « les Etats membres veulent qu’un gouvernement soit capable d’assumer sa signature et que son accord ne sera pas ensuite invalidé par son peuple », ce qui définit très exactement ce que Montesquieu appelait la tyrannie : gouverner indépendamment des citoyens. Une forte majorité de Français demandent un référendum Le Financial Times a fait réaliser par Louis Harris un sondage début octobre 2007 auprès de 5600 Européens en France, Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne et Italie. Le résultat est des plus clairs : 63% des Français sont favorables à l’organisation d’un référendum sur le traité modificatif, et 27% y sont défavorables. Le pourcentage de favorables est encore plus élevé dans les 4 autres pays pour culminer à 76% en Allemagne avec seulement 19% de défavorables. Un sondage CSA / le Parisien mené les 24-25 octobre en France indique à nouveau qu'une forte majorité de Français - 61% - se déclarent en faveur de la ratification du nouveau traité européen par référendum. Quelle Europe voulons-nous ? Les référendums de 2005 comme de multiples sondages sur l’opinion et les attentes des Européens convergent et permettent de se faire une idée assez précise de ce que les citoyens européens attendent ou n’attendent pas de l’Europe. Le vote des Français et des Hollandais en 2005 fut d’abord porté par un principe de précaution sociale ; il répond également à un principe de précaution démocratique et exprime une demande d’Europe politique. Ces positions semblent, d’après les sondages, largement partagées par les citoyens européens : - précaution sociale car nombre d'Européens sont attachés aux services publics, à la solidarité, à la justice sociale, au partage des richesses, et ne croient majoritairement pas aux réformes néolibérales préconisées par Bruxelles, - précaution démocratique, défiance vis-à-vis du système politique actuel, du mode de construction de l’Union européenne, du personnel politique, de toutes les institutions européennes vis-à-vis desquelles la confiance des Européens chute, - et désir d’Europe dont la construction est trop lente pour les Européens, pour qu’elle protège de tout hégémonisme, états-unien notamment, pour qu’elle soit un modèle économique et social, pour qu’elle mène la politique que veut la majorité des citoyens. Le désir d'Europe est largement partagé d'après les sondages, mais il côtoie un refus d'Europe supranationale qui se nourrit notamment des insuffisances de la construction européenne actuelle. La dépossession de notre souveraineté se traduit soit par une remise en cause du mode de construction de l’Europe, soit par un refus de l’Europe elle-même. Cette Europe espérée se situe en fait dans la ligne des pères fondateurs de l'Europe : une communauté politique européenne démocratique. Cela signifie des souverainetés nationales réduites au profit d’une souveraineté commune, européenne. Ce transfert de souveraineté n’est justifié et acceptable que si le fonctionnement de l’Union est démocratique. Cela signifie l'indépendance des trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, le respect du principe un citoyen - une voix pour l'élection des députés, quitte à prévoir une chambre haute pour la représentation des États, la définition par les citoyens européens de la ligne politique de l'Union, la responsabilité politique de l'exécutif devant le peuple ou ses élus. 9. Y'a-t-il une alternative à l'Europe du traité modificatif ? Il ne s’agit pas de construire l’Europe pour l’Europe, d’une sorte de mystique de l’Europe, ni d’une Europe romantique. C’est d’une Europe démocratique, d’une Europe des citoyens dont nous avons besoin. Le modèle européen Cela correspond tout d’abord à un espace culturel européen et à une opinion publique européenne relativement homogènes, sur lesquels on puisse fonder les valeurs nécessaires à un projet politique commun. Le modèle européen, celui qui justifie la construction européenne, c'est un compromis spécifique entre liberté et justice sociale, entre marché et intervention publique, entre citoyenneté civile, politique, sociale et culturelle. Il repose sur des droits collectifs, des biens communs, des services publics, un code du travail, une protection sociale reposant sur la solidarité, la prise en compte de l'intérêt général. Il doit intégrer le besoin de biens communs publics échappant aux logiques marchandes comme la nature, la culture, le vivant, et la nécessité de l'égalité d'accès à des biens et des services publics performants. Les deux tiers des Européens en faveur d'une constitution Cette Europe des citoyens correspond ensuite à la volonté des Européens : les deux tiers des Européens interrogés pour la Commission soutiennent le concept ou le principe d'une constitution européenne, notamment en France où ils sont 68 %, selon les derniers Eurobaromètres et notamment celui du printemps 2007. D’ailleurs qui ne se sent pas foncièrement européen ? Et notamment parmi les générations qui sont nées avec l’Europe ? Cette volonté des Européens signifie accepter de perdre sa souveraineté nationale au profit d’une souveraineté dans un espace géographique plus large, européen, pour et seulement pour les domaines de compétence que nous accepterons de mettre clairement en commun. Cela signifie que les citoyens délègueront une partie de leur souveraineté au niveau européen plutôt qu’au niveau national. Mais il faut définir avec qui nous voulons construire cette Europe des citoyens. Ce ne peut être qu’avec ceux qui le désirent, qu’avec les peuples qui le veulent, qu’avec ceux qui se font confiance, qui ont un même projet politique. Seule cette volonté commune peut créer cette Europe des citoyens, qui font le choix de se donner ensemble des institutions démocratiques. Quelles institutions ? Ces institutions devraient être pour l’essentiel ce que nous connaissons dans chacun des Etats européens : des droits fondamentaux, la séparation des pouvoirs, l’égalité des citoyens qui ont le même poids pour désigner leurs représentants et pour donner directement leur avis, un parlement élu par les citoyens, une chambre haute représentant les peuples des Etats et des régions, une cour de justice indépendante, un gouvernement… Quelle constitution ? Pour cela un texte est nécessaire, qui édicte le droit du droit. Il nous faut en fait une constitution entre citoyens, une constitution qui en soit vraiment une et ressemble à ce que les peuples connaissent pour l'avoir pratiqué dans leur histoire, dans laquelle ils puissent reconnaître des pratiques et un paysage familiers. Ce texte fondateur doit être élaboré, voté et modifiable par le peuple européen. Il doit pouvoir être lu et compris par chacun. Pour avoir une idée plus précise de ce que pourraient être les institutions d’une Europe des citoyens, nous avons élaboré un projet de constitution, ce que nous appelons “le plan P comme peuples“. Il ne s’agissait pas d’écrire un texte définitif, mais d’interpeller, de faire réagir, puis de solliciter l’intérêt des citoyennes et des citoyens européens afin de contrer les initiatives douteuses des politiques. Ce projet de constitution ne compte que 52 articles en 15 pages, hors section des droits fondamentaux. C’est donc techniquement tout à fait faisable. A condition de le vouloir. « Ce ne sont pas des Etats que nous coalisons, ce sont des peuples que nous unissons » Jean Monnet - Mémoires -
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