Vive la révolution (en Tunisie)

En France, on se réjouit volontiers de la petite révolution tunisienne qui risque bien d'avoir un impact dans tout le monde où des despotes tiennent leurs populations en laisse. Toute la question est de savoir si la laisse est longue.

Les Français aiment bien les Tunisiens. Ce sont nos petits-enfants en quelque sorte. Ils ont bien grandi et les références aux révolutions qui ont fondé la République abondent. Car, bien sûr, les Tunisiens, peuple plus éduqué que la moyenne, ont forcément révisé l'Histoire de France avant de descendre dans la rue. On note que le 14 janvier 2011 correspond à notre 14 juillet 1789 et que Ben Ali s'en va un peu comme Charles X. Pourtant, on aime rappeler que les émeutes ont commencé après l'immolation par le feu d'un jeune arrêté par la police pour avoir vendu des marchandises à la sauvette afin de gagner sa vie. On apprend par la presse - qui a enquêté - que les jeunes Tunisiens sont davantage diplômés que leurs voisins, qu'ils ont fait des études poussées mais que – pauvres malheureux – ils ne trouvent pas de travail chez eux ou alors des emplois qui ne correspondent pas à leur degré d'études. Après une dizaine de jours d'émeutes, les journalistes ont poursuivi leurs investigations. Ainsi, on apprend que, l'an dernier, au Maroc, des jeunes s'étaient immolés par le feu pour protester contre le chômage qui les touchait. D'ailleurs, on apprend que dès le début des événements en Tunisie, le pouvoir marocain a interdit la vente d'essence à ceux qui ne possèdent pas de véhicule de crainte de nouvelles immolations.

En France, on verse une petite larme en pensant à ces pauvres jeunes maghrébins, bardés de diplômes mais condamnés au chômage. Ce n'est pas en France que ça arriverait. En France, où 80 % d'une classe d'âge est titulaire d'un baccalauréat, où les titulaires de master sont légion, il n'y a pas de diplômés au chômage, peut-être ? Surement pas. Pôle Emploi diminue ses effectifs afin de coller à la reprise et à la baisse fulgurante du chômage enregistrée l'été dernier. D'ailleurs, le chômage n'arrête pas de baisser. Plus il augmente, plus il baisse.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/09/25/19157398.html

C'est sans doute pour ne pas donner d'idées que les médias se focalisent sur Ben Ali. En lui collant tout sur le dos, on s'évite une réflexion en profondeur. Le temps que les Tunisiens prennent goût à la démocratie, se disputent le pouvoir, on aura oublié les diplômés en rade. On ne se demandera pas si c'est Ben Ali le responsable ou un système qui ne survit que parce qu'il existe des aides prodiguées par les œuvres charitables et autres ONG à tous les laissés pour comptes.

On aime bien plaindre les pauvres quand ils sont loin. On aime bien soutenir les révolutions lointaines. Au besoin, on donnera des leçons de révolution. On sait faire, ici. Pensez ! Que dirait-on si les jeunes diplômés français qui pointent au chômage se mettaient à s'immoler sur les Champs-Élysées et que leurs camarades défilaient dans les rues pour réclamer le départ des gouvernants responsables depuis des années ? Comment ? Mais c'est du populisme, ça.