PARLER "CRU ET DRU" ?

par Raoul Marc Jennar

Dans son superbe discours de fin de congrès, dimanche, Jean-Luc Mélenchon a revendiqué, au nom de la gravité des choix de l'oligarchie qui nous domine, le droit de parler "cru et dru". Parce qu'il y a nécessité de parler clair. Mais un certain vocabulaire, où l'insulte tient lieu d'argument, offre-t-il l'avantage de la clarté ? je ne le crois pas. Je diverge totalement sur le choix qui est fait. Parce qu'au lieu de fournir la clarté, il brouille le message.

On s'adresse à juste titre aux électeurs de Hollande déçus après dix mois de ce nouvel exécutif qui n'a de socialiste que le nom. Mais en parlant "cru et dru" on les repousse. Dans l'Oise, au premier tour, le FdG n'obtient même pas 11% des voix.
Ce langage de la IIIe République (que Jaurès n'a pourtant jamais utilisé) n'est plus de mise dans le monde d'aujourd'hui. Les médias ne retiennent que ces propos insultants, ce qui a pour effet non pas d'attirer l'attention sur le fond de la démarche politique, mais bien de l'occulter.

Nulle part, dans les médias, il n'a été question des propositions remarquables, élaborées tout au long de deux jours de débats sérieux et adoptées en fin de congrès sur l'écosocialisme. Une véritable alternative démocratique, sociale et écologique au capitalisme. Parce que tout a été occulté par le langage "cru et dru" des dirigeants du PG.

Il faut que les responsables du PG en débattent. Et qu'ils démentent Fénelon quand il écrivait « Les princes ont un pouvoir infini sur ceux qui les approchent ; et ceux qui les approchent ont une faiblesse infinie en les approchant. » Je partage l'essentiel de ce que Jean-Luc Mélenchon exprime avec tant de talent. J'apprécie en lui le fils de Jaurès, le philosophe laïc et même le poète qu'il lui arrive d'être. Je rends hommage à son ouverture d'esprit qui lui a permis de découvrir et de comprendre les dangers du productivisme et la nécessité d'une planification écologique. Je ne partage pas le choix d'un vocabulaire "cru et dru". Et comme je m'adresse à un républicain et non à un prince (même si notre monarchie républicaine en compte tant), je m'approche de lui pour lui dire en toute fraternité mais sans faiblesse : Jean-Luc, réfléchis à l'impact négatif de l'usage d'un certain vocabulaire.