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Yonne Altermondialiste
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4 avril 2011

Faut-il souhaiter une révolte ?

 

Pour info, très intéressant papier de Philippe Corcuff dans le numéro de « La Décroissance » d’avril (N° 78) sur :

 

« Faut-il souhaiter une révolte ? »

 

ATTENTION :Ce journal ne vit que des abonnements et des numéros achetés, son expédition est faite par des bénévoles,… alors si vous pouvez l’acheter c’est 2,20 euros le numéro, les deux autres interventions sont tout aussi intéressantespour ouvrir des possibles ici, là-bas et maintenant…

 

Voici l’introduction du débat et les interrogations qui nous traversent toutes et tous, c’est page 14 et 15 de numéro :

« Ce grand mouvement de révolte en Afrique du Nord montre que l’aspiration à la liberté et à la démocratie n’est pas l’apanage de l’Occident. Les riches pays donneurs de leçons feraient bien de s’en inspirer » écrivait Fabrice Flipo dans sa chronique du dernier numéro de La Décroissance.

Le courage et la détermination des peules tunisiens, égyptien, libyen, bahreïni ou yéménite nous renvoient quelque part à notre immobilisme.

Les raisons de nous insurger sont un peu différentes, certes, mais elles ne manquent pas.

La première d’entre elles, pour nous objecteurs de croissance, est que la croissance nous envoie dans le mur et la barbarie, et nous y assistons souvent en spectateurs impuissants. Tout en sachant qu’elle peut être violente, faut-il souhaiter une révolte maintenant ? Et puis, concrètement, un renversement de l’oligarchie est-il possible, voire souhaitable ? Ce simple renversement nous permettrait-il d’échapper à la folie du productivisme ? Les grandes idées de partage, de solidarité ou de ralentissement auraient-elles une chance de s’épanouir sur les bases d’une société en colère ?

 

Bonne lecture,

 

 

Faut-il souhaiter une révolte?

 

Participants au débat :

* Serge Latouche, économiste et penseur de la décroissance, publie au début du mois d’avril Vers une société d’abondance frugale. Contresens et controverses sur la décroissance, éd. Mille et une Nuits, 4 euros.

* Anne-Isabelle Veillot, co-candidate du parti pour la décroissance (PPLD) aux élections cantonales avec Yvelines-Décroissance.

* Philippe Corcuff, maître de conférences à l’IEP de Lyon, membre du conseil scientifique d’Attac et du NPA, co-fondateur de l’Université Populaire de Lyon et de l’Université Critique et Citoyenne de Nîmes ; il vient de publier : B.a.-ba philosophique de la politique pour ceux qui ne sont ni énarques, ni politiciens, ni patrons, ni journalistes, éditions Textuel, collection « Petite Encyclopédie Critique », 9,90 euros.

 

 

Philippe Corcuff :

 

Les révolutions arabes nous réjouissent, malgré la tristesse des morts générés par les oligarchies autoritaires, en ce qu’elles pointent la part d’inédit des événements historiques.

 

Ce qui nous invite à rompre avec les visions déterministes et exclusivement reproductrices de l’histoire que les représentations dominantes du progrès ont longtemps trimbalées avec elles. S’il y a bien dans l’histoire des contraintes nées des politiques passées (on l’a vu encore récemment avec les effets désastreux des choix nucléaires du Japon), il y a aussi de l’inattendu sensible à l’action humaine.

 

 

La révolte constitue une composante nécessaire de l’alchimie compliquée de l’émancipation, c’est-à-dire de la construction d’une autonomie individuelle et collective face aux oppressions. Les mouvements sociaux arabes nous rappellent d’ailleurs, contre le logiciel « collectiviste » dominant les gauches, que la révolte associe de manière subtile le courage individuel et les mobilisations collectives. Pas de révolution tunisienne sans le geste désespéré face à l’humiliation de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid. Sous une figure non plus dramatique mais joyeuse, la décroissance ne nous incite-t-elle pas aussi à repenser l’articulation entre l’individuel (la simplicité volontaire) et le collectif (des expériences alternatives et une action politique de transformation sociale) ?

 

 

Mais la révolte, indispensable, ne suffit pas. Surtout aujourd’hui, où il s’agit non pas de se contenter de circuler sur les rails traditionnels de ce que fut la gauche, mais où nous sommes poussés à réinventer une politique altermondialiste d’émancipation pour le XXIe siècle.

 

Bref, il faut forger et poser nos propres rails en marchant, comme les premières figures républicaines des Lumières au XVIIIe siècle et les premiers socialistes au XIXe siècle. Les boussoles républicaine et anticapitaliste doivent toujours faire partie de notre système d’orientation, mais en étant reconfigurées au contact d’autres repères : les défis écologiques et l’antiproductivisme, la critique libertaire de la professionnalisation politique, la réévaluation de la culture expérimentale (des coopératives aux AMAP) ou la quête d’une autre association des singularités individuelles et des biens communs.

 

 

Oui, se révolter, mais aussi repenser les outils de la critique sociale et de l’alternative, expérimenter d’autres façons de vivre, ou agir pour remplacer, à terme, un État capitaliste et hiérarchique par d’autres institutions publiques davantage démocratiques.

 

Bref une action pluridimensionnelle, pour laquelle il n’y a plus « la solution » unique. Action pluridimensionnelle, qui suppose qu’on réélabore les logiciels de base de nos visions du monde. Quatre exemples :

 

1) ne doit-on pas en finir avec la primauté du collectif sur l’individuel ou de l’individuel sur le collectif pour envisager un équilibre ?;

 

2) pourquoi ne pas abandonner l’exclusivité du vocabulaire militaire et viriliste pour dire la politique (« les rapports de force » et « le combat ») afin de le métisser au contact d’autres valeurs renvoyant à nos conceptions socio-historiques du « féminin » : « la fragilité » et « l’exploration » ?;

 

3) défendre d’une autre façon l’idée de progrès n’implique-t-il pas de rompre avec l’idée que le « plus » serait nécessairement l’équivalent du « mieux » ?;

 

et 4) s’émanciper n’est-ce pas se détacher des préjugés et des dominations mais également retrouver des attaches naturelles et conviviales étayant nos autonomies ?

 

 

Se révolter, expérimenter, se battre, explorer, réfléchir…C’est peut-être pourquoi nous sommes conduits à redonner une tonalité philosophique à la politique, en la reconnectant aux questions concernant le sens et la valeur de l’existence. Car nous avons besoin de spiritualité en politique, une spiritualité qui nourrisse nos révoltes, dans l’horizon laïc de la séparation des pouvoirs publics et religieux comme de la garantie du pluralisme des croyances et des incroyances. Une nouvelle gauche des cerveaux lents (de la critique sociale et de la sagesse philosophique) et des cerfs-volants (de l’utopie arrimée à une mémoire critique du passé) ne pourrait-elle pas ainsi naître ?

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