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29 septembre 2013

Le revenu de base, qu’est-ce que c’est ?

Le Petit Reportage

http://www.madmoizelle.com/revenu-de-base-153238

Pondu par Emilie Laystary le 10 mars 2013      2460  518  1

Le revenu de base, c’est un projet de société qui consiste à allouer une certaine somme à chaque personne, tout au long de sa vie, sans contrepartie forcée. Émilie Laystary vous explique !

Il y a 2 semaines, madmoiZelle publiait le récit d’une jeune femme qui a choisi de ne pas exercer de métier alimentaire afin de se consacrer pleinement à sa passion. L’auteure vit du RSA et explique ne pas avoir de problèmes à assumer cette situation. Au contraire, ne pas être esclave d’une « activité professionnelle non-désirée » est gage d’émancipation pour cette jeune femme qui voit dans le fait de profiter d’une allocation la possibilité de se soustraire à l’aliénation d’un travail.

Ce témoignage n’avait pas manqué de susciter toutes sortes de réactions de la part de notre lectorat, allant généralement de l’incompréhension à l’agacement. « Cette personne profite du système », « c’est à cause de gens comme ça qu’on parle d’assistanat », « pourquoi devrais-je cotiser pour qu’elle se la coule douce ? »

L’occasion pour nous de vous présenter le revenu de base, une initiative qui a le mérite de questionner la valeur sociale que nous plaçons dans le travail et l’idée persistante selon laquelle un individu devrait forcément avoir à se réaliser dans son emploi.

Abnégation pour le travail : la tyrannie de la réalisation de soi

« Le travail est-il vraiment le propre de l’homme ? », se demandent les militants pour un revenu de base inconditionnel. «Et vous, que feriez-vous si vous n’aviez pas à vous lever tous les matins pour subvenir à vos besoins économiques ? » Les réponses sont nombreuses. Pour Aurélie, 26 ans, aujourd’hui petit maillon d’une grand chaîne de salariés travaillant pour une boîte de communication, la réponse est claire : « Le boulot que j’ai aujourd’hui n’est pas celui qui me meut le plus. Je n’ai pas le sentiment d’apporter ma pierre à l’édifice de la société, et pourtant, je suis bien obligée de m’astreindre au salariat pour payer mes factures et mon loyer. Je suis très engagée chez Europe-Écologie Les Verts, et si mon revenu était garanti, c’est à ce parti politique que je dédierais le plus clair de mon temps. Les engagements que je peux y avoir se rapprochent beaucoup plus des valeurs que je défends. »

Dans son livre La tyrannie du travail – travailler moins pour vivre mieux, Stéphane Bodénès écrit :

« Nous devons travailler, tous. Et pourtant, nous allons mourir, tous. Sans échappatoire ni sursis, irrémédiablement. Nous aurons effectué une parenthèse terrestre d’une poignée de décennies, dans le meilleur des cas. La mort nous attend, cueillant le vieillard comme l’adolescent imprudent. Pour vous, pour moi, tout peut s’arrêter aujourd’hui, demain : accident de route, attaque cérébrale, problème cardiaque. Personne ne peut jurer que ce soir, il rejoindra sa couche, sa femme, son chat. La mort, épée de Damoclès terrible qui pendouille sur la condition humaine depuis l’origine, sacrant notre fragilité, notre finitude, nourrissant nos angoisses. Or, que faisons-nous de nos existences ? Nous sacrifions nos meilleurs moments à une idole envahissante et dévorante : le travail. »

Pour le dire de façon moins romantique que Bodénès, ce que les partisans du revenu de base défendent, c’est d’abord la nécessité d’éradiquer la pauvreté extrême, celle-là même qui transforme les travailleurs en pions interchangeables à la merci de notre système libéral caractériel.

Plus précisément, il s’agit de combattre l’inhumanité de certaines conditions de travail, la réduction de l’exode rural et les inégalités entre les régions. Les défenseurs d’une telle allocation universelle formulent le constat que la recherche du profit et l’ultralibéralisme ont conduit à aliéner une partie de la population. Le « salaire à vie », en ce sens, permettrait une émancipation des travailleurs et l’avènement d’une véritable liberté – celle de choisir ce à quoi on veut vraiment œuvrer. Plus encore, l’instauration du revenu de base redonnerait du sens à la valeur travail. Ainsi, selon le réseau suisse pour un revenu de base…

« On aurait tort de limiter la valeur du travail à sa valeur marchande, comme cela se passe aujourd’hui de manière croissante. Ce n’est pas le revenu de base, mais les formes et conditions d’emploi pratiquées actuellement qui détruisent la morale du travail. Au contraire, le revenu de base rétablit la valeur éthique du travail, autant vis-à-vis de la société que de soi-même. Par ailleurs, la paresse n’est pas inscrite dans le génome humain ; ce n’est qu’une réaction contre les travaux forcés. En accordant la liberté aux travailleurs de refuser le travail, on commence par les responsabiliser. On fait tomber le prétexte de la nécessité. Sans la liberté, il n’y a pas de véritable éthique du travail, que de l’hypocrisie. »

En fait, c’est toute la question de la différence entre le travail et l’emploi. Si au premier coup d’œil les deux termes semblent recouvrir une même réalité, conceptuellement ils diffèrent légèrement – et c’est cette différence qui induit une approche philosophique intéressante : le travail est une tâche à accomplir, l’emploi est son pendant marchand. Le travail crée naturellement des emplois, mais lorsqu’en tant de crise il y a réduction du nombre d’emplois, le travail, lui, reste bel et bien là. Les défenseurs du revenu de base pensent que tout temps de travail doit être valorisé : c’est en ce sens que le salaire à vie est une reconnaissance philosophique du droit à être soutenu pour toutes les tâches que nous souhaitons exercer dans la vie.

Un revenu de base est-il économiquement viable ?

Vu de l’extérieur, l’instauration d’un revenu de base peut à bien des égards sembler utopique. Pourtant, de nombreux modèles de financement sont avancés et validés par les économistes.

  • La redistribution : l’économiste Marc de Basquiat propose une réforme de l’impôt sur le revenu, qui serait transformé en « impôt universel de redistribution des revenus » (IURR). Selon celui qui a soutenu une thèse en 2011 portant sur le revenu de base, notre système de redistribution des richesses actuel induit une humiliation des gens « à cause de sa complexité inutile ». Attribuer un revenu de base à tous, cumulable avec la pension de retraite, les allocations chômage et l’assurance maladie, est donc non seulement possible mais aussi vivement souhaitable. Un prélèvement de 30% sur tous les revenus permettrait de remettre, à chaque adulte, 400€ et à chaque enfant, 200€.
  • La création monétaire : le revenu de base ne modifie pas la redistribution, mais son mode. Ainsi, comme le vulgarise très bien ce blogueur, « La banque centrale joue actuellement le rôle de prêteur en premier et en dernier ressort. Les banques commerciales lui empruntent de l’argent qu’elles prêtent à leur tour aux particuliers et aux entreprises en appliquant une marge. Si défaut de banque il y a, la banque centrale est là pour jouer le rôle de pompier. Ce mécanisme est valide dans une économie de rareté, ce qui n’est pas/plus le cas. La créativité financière a suffisamment évolué pour permettre d’arriver à la conclusion qu’aujourd’hui la monnaie n’est plus du tout rare. Malheureusement, on continue à entretenir ce système de rareté artificielle car il est rentable pour ceux qui dirigent les mécanismes de la création monétaire ». Pour le dire autrement, les banques centrales devraient verser de l’argent directement sur les comptes des citoyens, qui vont de toute façon consommer, au lieu de renflouer les caisses des banques qui vont spéculer sans vergogne.

Il existe d’autres modes de financement, mais je choisis de ne pas les développer ici tant ils sont longs à expliquer et faciles à trouver sur la toile. Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à jeter un oeil à ces liens (, , ici ou encore ) ou à vous procurer Le financement d’un revenu de base inconditionnel, un ouvrage écrit par Bernard Kundig, docteur en sciences sociales et vice-président de la section suisse pour le revenu de base.

Comme vu ci-dessus, les arguments en faveur de la viabilité d’un revenu de base sont légion. L’impulsion nécessaire au revenu de base serait donc purement démocratique : il s’agit avant tout d’un choix de société à faire. Pourquoi un tel projet suscite t-il encore la frilosité de l’opinion publique ?

Oser changer de paradigme

Si le revenu de base gagne chaque jour en partisans et se trouve défendu aujourd’hui dans un nombre croissant de pays (Suisse, Japon, Namibie, etc.), pour beaucoup il apparaît encore comme une folle utopie. L’idée n’est pourtant pas nouvelle. En 1996 déjà, l’économiste Anthony Barnes Atkinson propose, dans son ouvrage Public Economics In Action, de supprimer les taxes directes pour créer un impôt sur tous les revenus (25% à 30%) afin d’offrir à chaque citoyen un revenu minimum.

Au-delà de la question du financement du revenu de base, que nous avons abordée plus tôt, la première limite avancée par les dubitatifs est celle de l’oisiveté. En effet, se demandent-ils, « Qui va accepter d’aller travailler si on peut être payé à rien foutre ? » Or, selon les défenseurs du revenu de base, cette question s’inscrit dans un contexte de marché ultralibéral au sein duquel le travail se résume à une valeur marchande. Toujours selon eux, il conviendrait de dépasser ce cadre de pensée en réenchantant la valeur travail. Selon Stan du blog Tête de Quenelle, la systématique paresse des gens est une idée reçue.

« Ici, il faudrait déjà savoir de quel montant on parle. Aujourd’hui, les montants dont on entend parler se situent entre 400 et 850 euros. Loin de permettre à tous de mener une vie très confortable sans travailler ! Avant de juger du comportement présumé des autres, commencez par vous demander « Et moi, arrêterais-je de travailler si on me donnait 800 euros par mois ? ». Jusqu’à présent, je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui m’ait répondu positivement. La vérité c’est que la plupart des gens ne détestent pas leur travail, ou ne détestent pas LE travail en soi. C’est le fait de ne pas avoir la possibilité choisir son activité qui est insupportable. »

Une expérience en Namibie a d’ailleurs montré que le revenu minimum garanti avait généré une augmentation de la production locale puisque les habitants n’ont plus eu besoin de lutter pour leur propre survie. Une fois leurs besoins primaires dépassés, ils pouvaient donc s’adonner à des activités marchandes pour lesquelles ils ont des affinités ou de vraies compétences. Courrier International rapporte ainsi :

« Une femme s’est mise à confectionner des petits pains ; une autre achète désormais du tissu et coud des vêtements ; un homme fabrique des briques. On a vu tout d’un coup toute une série d’activités économiques apparaître dans ce petit village. Cela montre clairement que le revenu minimum ne rend pas paresseux mais ouvre des perspectives. »

Autrement dit, ce qui nous semble aberrant aujourd’hui (payer les gens à ne rien faire) ne se légitime que par le marché délétère dans lequel nous évoluons aujourd’hui (« le travail est forcément marchand »). Il suffirait en réalité de déplacer le curseur pour se rendre compte que garantir un revenu de base à chacun est…

  • non seulement économiquement viable (cf. la révision des modes de distribution) mais aussi économiquement stratégique (cf. l’exemple de la Namibie)
  • l’occasion de redonner du sens au travail
  • un moyen d’éradiquer la misère sociale.

Enfin, pour qu’un revenu de base ait du sens, il faut que celui-ci soit universel (dans le cas inverse, il ne serait qu’une nouvelle forme d’allocation et aboutirait donc à une stigmatisation de ceux qui y ont recours, telle que nous la connaissons déjà pour le RSA par exemple). L’essence du salaire à vie est donc bien qu’il suffit d’être un être humain pour disposer d’un revenu minimum et vivre convenablement. Le revenu de base est donc « inconditionnel, versé dès la naissance et cumulable avec tout autre revenu », comme le rappelle le site revenudebase.info d’entrée de jeu : c’est un droit inaliénable, celui d’avoir les moyens économiques de disposer de soi. L’état d’esprit du revenu de base n’est pas seulement de supprimer la pauvreté extrême et de redonner du sens à la dignité humaine, il va plus loin encore : philosophiquement, c’est l’idée que la vie d’un citoyen n’a pas à dépendre d’une parcellisation de son temps comme valeur marchande.

Démolir les idées reçues

Certains militants, très habitués à recevoir des arguments en défaveur du revenu de base, ont choisi de compiler les idées reçues les plus récurrentes. Sur Tête de Quenelle, Stan rappelle par exemple que le revenu de base n’est ni une idée de droite, ni une idée de gauche :

« Pour certains, le revenu universel est une idée libérale qui vise uniquement à se débarrasser de l’État-providence. Mais ce n’est pas ce que disent les libéraux, pour qui il ne s’agit pas forcément de démanteler l’état providence que de prendre acte du fait que la redistribution centralisée ne fonctionne pas aussi bien qu’on l’avait imaginé. […] d’autres y voient une affreuse idée communiste. Mais le communisme avait pour objet l’éradication de la propriété privée et des inégalités alors que le revenu universel ne les remet pas en cause. Les inégalités seront certes régulées par un « revenu plancher » mais aucunement régulées à la hausse. Par ailleurs, contrairement au communisme, le revenu universel n’a pas besoin d’un système de contrôle des citoyens. Son caractère universel et inconditionnel permet au contraire de rendre les individus plus libres. »

À l’objection « Oui mais plus personne ne voudra effectuer les tâches ingrates », il rétorque :

« Ceux qui étaient contre l’abolition de l’esclavagisme avaient le même type d’argument : il faut nécessairement une classe de pauvres à exploiter pour qu’une société fonctionne. Mais cette étroitesse d’esprit est facilement surmontable puisque dans la réalité, il y a 3 moyens de répondre à ce problème :

  • augmenter les salaires des boulots pénibles de manière à augmenter l’offre de main d’œuvre. Ce qui finalement n’est que justice : les boulots pénibles seront revalorisés par simple mécanisme de marché.
  • Rationaliser la réalisation de ces tâches par la mécanisation ou l’informatisation. De nombreuses « tâches ingrates » disparaîtraient ainsi. Qui s’en plaindra ?
  • Diviser la charge de travail pénible entre les citoyens. Le traitement des déchets peut, par exemple, être en partie « crowdsourcé » par la mise en places de dépôts de quartiers au lieu du ramassage à domicile. Le bénéfice du revenu universel serait la contrepartie de ces petits efforts. »

Stan a également à répondre à ceux qui reprochent au revenu de base de générer de l’inflation (voir son point 5.)

À l’argument « si le revenu de base pouvait marcher, il aurait déjà été instauré », Thibaut, lui, répond :

« La réalité est un peu plus complexe. L’orthodoxie économique véhicule depuis des milliers d’années l’idée que nous devons lutter contre la rareté des ressources. Il nous paraît donc inconcevable de donner de l’argent à quiconque sans que ce dernier ne participe à la production de ressources. Les Trente Glorieuses sont un autre élément d’explication. L’une des périodes les plus fastes de l’histoire mondiale durant laquelle le plein emploi était la norme. L’atterrissage est pour le moins douloureux et la crise commence seulement à faire prendre conscience à notre société que nous ne reviendrons pas à cet idéal économique. Il est sans doute temps d’arrêter de vivre dans le déni politique et de faire front courageusement. »

En définitive, pour se faire son avis sur le revenu de base, il est nécessaire de dépasser le cadre de pensée actuel en concevant l’idée qu’une telle initiative relève moins du changement marginal que d’une nouvelle façon d’envisager la valeur travail. Mais si le sujet vous intéresse et que présenté comme tel, vous avez des objections à formuler, sachez que le revenu de base organise souvent des réunions dans différentes villes de France et que les avis des participants y sont toujours débattus avec plaisir. Pour y participer, surveillez régulièrement cette page. N’hésitez pas non plus à parler du revenu de base autour de vous, ne serait-ce que pour discuter avec votre entourage de ce qu’il pense de l’emploi et de ce qu’il ferait si son temps n’était pas entièrement dépendant d’une activité rémunérée pas toujours choisie. En ce sens, la réflexion sur le revenu de base a au moins le mérite de poser des questions que bien souvent nos sociétés libérales nous ont appris à ne plus nous poser.

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